Texte créé sur une proposition de Lestime.
Déclamé devant Livresse à Genève pendant une flash mob dans le cadre de la grève féministe.
Grève féministe 2020
Genève
Ah Genève...on a de la chance !
siège des droits de l'homme
(on devrait déjà sentir le problème)
Droit de l'homme suisse cis hétéro blanc riche valide et athlétique
Alors qu'en termes de droits humains
pour les personnes LGBTIQ
la Suisse se traîne derrière ses voisins
Nos cœurs battent
on se débat
pendant qu'ils débattent
au loin de nos droits
Débats sur le mariage stérile
d'un autre âge :
Est-ce que le mariage est utile
uniquement à la procréation ?
Les personnes qui ont ce genre de réactions
arriveraient à d'étranges conclusions
où l'on enlèverait le droit au mariage
à toute une partie supplémentaire
de la population
Un couple homo cis doit prouver qu'il mérite un enfant
de la fécondation à l'adoption,
parcours de combattant
Pas le droit à la PMA
aller à l'étranger,
des aller-retours pour un examen gynéco
être ultra dispo
en plus des conséquence sur le corps
et les coûts financiers
qui creusent l'inégalité
entre celleux qui ont les moyens
et celleux qui ne peuvent que rêver
Ensuite devoir adopter son propre enfant
alors qu'on a toujours été parent...
Amours LGBTIQ
c'est les catholiques
que ça panique
d'avoir une paire de mères
ou de père
criant au manque de repère
tout en priant Jésus
né d'une mère porteuse vierge
et d'un père au ciel et l'autre sur terre
propos homophobes insidieux
Ainsi Dieu est utilisé dans plein d'argumentaires
Pourquoi pas nous prendre homo
aux mots
et toi hétéro, et tes rôles
et tes drôles d'idées
arrêter tes comparaisons bêtes
sur la vie prétendue naturelle des bêtes
Se préoccuper du bien de l'enfant
seulement pour crier
« un papa ! une maman ! »
« un papa ! une maman ! »
mais quand il faut se prononcer sur l'adoption
pour garantir une protection :
c'est non.
Dans le monde
il y a des personnes
qui donnent
de leur temps
pour refuser des droits
aux autres
alors qu'iels n'ont rien à gagner
à part s'assurer qu'iels sont dans leur bons droits
qu'iels sont la norme
et qu'iels ont raison d'être qui ils sont
qu'iels sont le modèle sans se poser de question
et remettre en cause la société et ses fondations
Marre marre marre
mariage
J'ai pas envie de me marrer
j'ai pas envie de me marier
S'il vous plait acceptez le mariage pour tous les couples
pour que je puisse choisir
choisir de refuser
La violence elle n'est pas seulement dans les coups
elle est dans les silences
elle est dans l'absence
de droits, de justice, de reconnaissance,
dans l'impossibilité, dans les inégalités criantes,
dans l'absence de modèle, dans l'impossibilité de se vivre pleinement,
dans les mensonges qu'on doit dire ici et maintenant,
les rôles qu'on doit jouer,
l'impossibilité de se projeter dans une société
où l'on n'a pas de place,
dans les interstices, les marges
se créer des espaces .
Être trans* ou non-binaire, et que trouver un travail soit une série de compromis
entre le bien-être et la survie.
Être Bi-e ou Pan et qu'on nous répète de choisir notre camp
ou que « c'est une phase »
...ah cette phrase !
Être homo et qu'on nous dise de ne pas en parler
d'un air entendu
avec un sourire tendu
que l'orientation sexuelle
est une affaire personnelle
et de ne pas en parler au boulot,
aux enfants, à la grand-maman,
à la radio
Mais surtout n'en fais pas une affaire
personnelle
et écouter les hétéros mentionner
leur relation, leur couple à tout bout de champs
parce que l'orientation sexuelle n'est personnelle
que quand
elle n'est pas hétéro
sinon elle est soutenu et célébrée
et les collèges vont se délecter
d'anecdotes sur leur maris, leur femmes, leur copines,
leurs bébés.
Se donner la main en public
et que ce soit forcément politique
un risque mesuré
Pendant que des couples hétéro
se roulent des pelles dans les bistrots
La violence elle est aussi dans les voix intériorisées
qui nous insultent infiltrées
dans nos esprits,
dans les modèles incorporés depuis tout petit.
On veut une éducation sans préjugés
pendant que celleux qui s'insurgent qu'on ose parler
à des enfants de transidentité, d'homosexualité
disent qu'ils faudrait les préserver de ces questions
alors qu'il les nourrissent
en permanence
d'image dans la rue, dans les livres, à la télévision
Un modèle cisgenre hétéro
bien comme il faut !
L'éducation n'est jamais neutre
en refusant de montrer certains modèles
on modèle l'imaginaire des enfants
on muselle leur possibilité
de se projeter dans qu'iels sont vraiment.
C'est pareil pour l'imaginaire raciste
et en tant que blanc
on peut plus faire semblant
de se poser en norme neutre
sans que ça heurte
Et si aujourd'hui on doit crier
que la vie des noir-e-s compte
c'est aussi qu'en tant que blanc on doit rendre des comptes
se rendre compte
que le décompte des personnes noires tuées
ne cesse de croître
de croire que les femmes trans* racisées
sont assassinées
pendant qu'on regarde la série Pose à la télé.
Dans la nuit
un souffle d'homophobie
des bleus, du bruit
des silences des passants
dépassant sans s'arrêter
des insultes, des rires
un souffle de transphobie
un racisme à peine déguisé
réfléchir à comment s'habiller
réfléchir à quelles toilettes utiliser
cabinets binaire
se faire ramener à l'ordre genré
Ne pas pouvoir porter plainte
soit parce qu'on est légalement pas protégé.e.x
soit parce que notre plainte sera décrédibilisée
Alors
On se lève
on nous voit
on se soulève
on élève nos voix
Sur nos lèvres
le trop plein
l'ébullition
amorce de révolution
marée de y'en a marre
vague de révolte
contre les rochers
d'un système qui s'effrite
La révolution
c'est pas quelque chose dans les livres d'histoire
dans les tableaux et l'histoire de l'art
elle commence dans nos corps
Mais elle impose de sortir de notre cadre
prendre le temps de saisir aussi
les vécus des autres hors
du tableau de nos propres idéaux
Nos champs de vision
nos champs de batailles
limités par nos propres préoccupations
Sortir de notre situation
bousculer nos conceptions
On a des entonnoirs à la place des yeux
on voit le monde à travers des prismes
de nos algorithmes de nos
réseaux sociaux qui donnent le rythme
Le mois de juin
c'est la pride
le mois des fiertés
ça n'a rien d'une grande fête pailletée
et on peut pas laisser de côté
le fait que tout a commencé
grâce à des personnes trans* et queer racisées
que les droits pour les personnes LGBTIQ
ont commencé avec des briques
contre une répression policière
qui ne date pas d'hier
Aujourd'hui la mobilisation continue
on est toujours dans la rue
et on se doit de sortir de notre seule position
de regarder les intersections
des discriminations
Ne parler que de grève des femmes
au lieu de grève féministe
c'est oublier que les personnes trans* et non-binaire existent
et ne me parlez pas de la solution du femme-astérisque !
Pendant que la révolution danse
il est crucial de ne pas reproduire des violences
au sein même des luttes et des actions
qui prônent l'inclusion
et lutter contre toute forme de discriminations
Déconstruire
apprendre ensemble
Ne pas perdre du temps
à juger sèchement que qqn a dit qqch de faux
pour se remonter l'égo
Et si on accepte de ne pas se gonfler
d'être un-e bon-ne allié-e
on peut aussi ne pas s'offusquer
quand on est ramené
à nos propos inappropriés
C'est pas une question de morale d'être une bonne
ou une mauvaise personne
mais d'accepter d'être bousculé-e
d'être gêné-e, de se tromper
seul-e et collectivement
de se regarder aussi soi-même
comme partie du problème.
La révolte
prend naissance dans nos corps
Pulsation de révolution
les tempes usées
de migraines à répétition
le visage contracté
par le manque d'horizon
la rage au ventre
l'acidité de la détermination
Occupons l'espace publique
Décolonisons nos rues
déboulonnons les statues
changeons les plaques en métal
d'illustres figures racistes patriarcales
Si c'est gravé dans la pierre
jetons la pierre à la mer.
Réapprenons l'histoire suisse
prenons soin de nos archives militantes.
Et de notre révolte,
de notre colère,
de notre rage,
ouvrons nos horizons des possibles
construisons ensemble
des espaces pour désapprendre
nos imaginaires transphobes, homophobes,
sexiste, capitaliste, validiste, racistes et coloniaux
soyons les failles
d'un système qui se brise !