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Texte créé pour le Sustainable University Day du 28.04.2023 organisé par le programme d’encouragement U Change en collaboration avec la Haute école de Lucerne, l'Université de Lucerne et la Haute école pédagogique de Lucerne. https://u-change.ch/fr/sud/2023/

 

Merci à Anis pour l'écoute et les conseils lors de la rédaction

Merci à Samuel Rhomberg, slameur de Bern, qui a interprété les citations lors de ma performance

Merci à Lucrezia pour l'invitation et l'organisation de l'événement

 

Poésie durable - KLIMTE

 

 

« Il y a urgence ! »

 

En haut d’une tour de verre

Ils s’agitent

les rapports scientifiques sont clairs :

La poésie est une source énergétique au potentiel illimité

 

« On peut pas laisser ça passer ! »

 

Vite le monopole est institué,

les poèmes sont brevetés, copyrightés,

les copies prohibées.

Les poèmes auto-produits

non-autorisés, sont interdits.

 

Au début, malgré les risques annoncés

des activistes créent

des poèmes gratuits

mais iels sont vite arrêté-e-x-s

accusé-e-x-s de propagande et sollicité-e-x-s

par des marques pour faire du placement de produits

pour les légaliser.

 

Très vite la population

s’en remet à la production

commerciale et légale

et ne considère même plus

être en mesure d’écrire

des poèmes soi-même

Population

Pliée à l’impuissance

et à la dépendance

Iels se font une raison

 

C’est la rentrée

 et le début des poèmes de saison

L’automne et ses feuilles jaunes orangées

tournoient dans le vent pour tapisser

 le sol de leur déclinaison

La demande est grande

Les intelligences artificielles travaillent jours et nuit

pour produire la précieuse marchandise poétique.

On achète des poèmes et on les garde soigneusement

pour les lire et les relire

encore

assouvir son besoin poétique

 

Mais la tour de verre s’agite à nouveau

« Aujourd’hui réunion d’urgence ! »

 

Autour de la table

les visages gris

regardent agacés

la courbe de croissance stable

qui après un pic est en redescente notable.

Ni une, ni deux, ils trouvent une solution :

l’entreprise habilitée crée des poèmes jetables

des poèmes avec des dates d’expiration

avec risque de combustion

pour optimiser les ventes et maintenir une haute production

 

Sur le marché entrent aussi des poèmes de luxe

que seule une minorité peut se payer

en plus des poèmes designés pour les femmes, les hommes,

les enfants, les bébés

pour en vendre plus et que ce ne soit pas partagé

 

« C’est comme ça »

Certaines personnes ont les moyens de se payer

des poèmes sans les lire, juste pour les stocker

pour asseoir leur pouvoir politique, économique

Ces personnes croulent sous les mots

si bien qu’iels ne savent plus trop quoi en faire

alors que d’autres ne peuvent que rêver à ces poèmes privatisés

et tournent en boucle les mêmes mots usés

 

C’est l’hiver

et la ville prend des teintes grises et austères

on marche vite dans la rue

On traverse le froid et les rangées d’arbres nus

La chaleur de l’intérieur retrouvée

En lisant quelques vers se réconforter

 

Il faut payer cher

pour le nouveau poème à la mode

ou faire le choixdes poèmes micro-budget

qui cachent habilement des publicités

dans des vers aseptisés

 

Pas le choix,

on s’arrange comme on peut

pour ce bien de première nécessité

 

Des personnes s’efforcent

de récréer des poèmes aux rimes recyclées

Iels compostent les mots pour réutiliser les lettres

pour réassembler tant bien que mal

des lignes plutôt banales

 

Iels récupèrent des poèmes invendus

avant qu’ils soient détruits

pour lutter contre le gaspillage prévu

afin de maintenir offre et profit

Mais lentement la perte de sens

s'impose

à ces lecteurices fatigué-e-s

de lire des poésies sans essence

formatées, qui procurent

un plaisir si bref qu’on pense directement à en racheter

 

Un murmure d’abord

rapidement un grondement

qui bruisse comme un vent

Les usines poétiques en surchauffe

étouffent l’atmosphère

 

L’hiver dure

et les cheminée des usines diffusent

une fumée grise

qui s’installe en brouillard épais

l’horizon comme un mur

 

Les saisons ont disparu

Le printemps on n’y croit plus

 

Les intelligences artificielles

qui génèrent les poèmes

sans expérience personnelle

se nourrissent des journaux

et des expériences des gens

et diffusent de plus en plus dans leur mots

le découragement ambiant

les soulèvements grandissant

 

Des voix s’élèvent contre l’expropriation poétique

l’usage des expériences personnelles

des membres de la société

dépossédé-e-s et utilisées contre leur gré

 

Des manifestations ont lieu pour la justice poétique

sous-terre des activistes créent

des laboratoires de poésies autogérés

en expérimentant collectivement

la puissance de créer et la vulnérabilité de partager

 

Ces nouveaux poèmes sont libres de droit

et leur origine dure à retracer

Face à leur fade pendant commercial

leur lecture est sans égal

Les émotions procurées bouleversent

traversent

 

On redécouvre la puissance

des mots tirés de l’expérience vécue

et des groupes de plus en plus convaincus

diffusent habilement des poèmes aux messages cryptés

appelant à se rassembler

à rejoindre le mouvement pour l’auto-suffisance poétique

Proposer une alternative

aux poèmes sans âme des machines informatiques

qui nuisent à l’environnement

et demandent un renouvellement constant

 

Sur les murs

Dans la rue des collages

apparaissent dans la nuit

des poésies percutant

les passantes et les passants

 

Les collectifs de résistance poétique appellent à

Dénoncer les entreprises et les politiques

qui soutiennent la tour de verre

les appeler à désinvestir

S’autoriser à créer et lire des nouveaux vers

Refuser d’acheter des poèmes commerciaux

s’engager dans la désobéissance poétique

et le partage des mots

 

Des personnes désempouvoirées

se découvrent des talents insoupçonnées

dans l’art de façonner en mots leur émotions, leurs pensées

Iels retrouvent un pouvoir d’action dans la rédaction

 

Les émotions partagées deviennent catalyseur de changements

Le mouvement est collectif

iels tissent en poésie des horizons fictifs

et nourrissent les imaginaires

pour permettre aux autres de se projeter

dans des potentialités qui donnent envie

d’être en vie

retrouver une autonomie

retrouver l’espoir

et le pouvoir

tisser depuis les franges

en écrivant dans les marges

trouver des marges de manœuvre

Ouvrir des brèches

Se réapproprier la puissance poétique

Trouver des solutions

Retrouver la confiance

Trouver les sources qui nourrissent

Ne pas s’excuser de rêver

 

Et pendant que je vous parle

lentement le brouillard s’est levé

la fumée s’est dissipée

et le printemps est enfin arrivé

on reconnait la poésie dans tout ce qui a germé.

Ressources
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